Un management injuste et agressif

Un management injuste et agressif peut-il justifier un licenciement pour faute grave sur le fondement de l'obligation de sécurité ?

 

Le cas de...

Madame FINANCIER est épuisée, elle n’en peut plus de tous ces problèmes, ces licenciements à répétition… cependant la boulangerie fonctionne bien. Les fêtes de Pâques arrivent et les équipes travaillent sur des sujets en chocolat de toute beauté sur le thème de « Paddington au Pérou ». Cela va faire un carton ! Surtout le modèle PADDINGTON à dos de lama…

Seule ombre au tableau, plusieurs salariés se plaignent du management de Monsieur GRUMPYCAT : il serait particulièrement colérique aves les salariées du laboratoire et l’une d’entre elles a donné sa démission. Madame FINANCIER est embêtée car certes, il peut être agressif mais les produits sont finis en un temps record ! En plus, dès qu’il s’énerve, après il s’excuse regrettant ses propos qui ne sont jamais insultants.

Il a le sang chaud et ce n’est pas un motif pour le sanctionner sauf que l’une des salariées Madame LEVAIN est venue ce matin lui donner sa démission. C’est la seconde en 15 jours et Madame FINANCIER redoute un énième contentieux au prud’hommes… elle prend rendez-vous avec Maître CODEDUTRAVAILANNOTÉ.

Elle apprend que ce comportement est constitutif d’une faute grave car Monsieur GRUMPYCAT porte atteinte à la sécurité de ses collègues et viole l’article L4122-1 du Code du travail. Elle n’a pas le choix elle doit le licencier si elle ne veut pas en plus être accusée de cautionner les agissements subis ! Encore un licenciement et sans surprise Monsieur GRUMPYCAT conteste son licenciement. Madame FINANCIER est confiante car elle a assuré la sécurité de ses salariés.

 

L’obligation de sécurité, c’est quoi ?

En droit du travail, l’obligation légale de sécurité est prévue aux articles L4121-1 et L421-2 du Code du Travail :

L'article L. 4121-1 du Code du travail, prévoit que l'employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés, mesures qui doivent comprendre des actions de prévention, d'information et de formation, et la mise en place d'une organisation adaptée.

L'article L. 4121-2 du Code du travail énumère les neuf principes généraux de prévention qui doivent guider la mise en œuvre des mesures

Les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail sont directement issus de la transposition de la directive n° 89/391 du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs.

Au niveau européen, un autre texte fonde l'obligation de sécurité. Il s'agit de l'article 31 § 1 de la charte des droits fondamentaux de l'UE : « tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité ». La Cour de cassation, dans certaines décisions fait aussi référence à ce dernier texte.

Cela concerne qui ?

L’employeur oui mais pas que …

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité à l’égard de ses salariés et sa responsabilité est engagée sauf s’il peut prouver qu'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail (Cass. soc., 25 nov. 2015, n° 14-24.444 ; Cass. ass. plén. 5 avr. 2019, n° 18-17.442).

Mais les salariés également ! il faut rappeler les dispositions de l’article L4122-1 du Code du travail  et indépendamment de la responsabilité de l’employeur !

« Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.

Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur. »

Cette obligation pèse sur chaque salarié, sans qu'il soit besoin de rechercher s'il a reçu ou non une délégation de pouvoirs. De la sorte, dans tous les cas, le non-respect par le salarié de l'article L. 4122-1 du Code du travail est constitutif d'une faute, dont la gravité peut aller jusqu'au licenciement pour cause réelle et sérieuse (CA Montpellier, 27 févr. 2019, n° 15/04625), et plus souvent encore un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 28 févr. 2002, n° 00-41.220 ; Cass. soc., 1er juill. 2008, n° 06-46.424 ; Cass. soc., 7 oct. 2015, n° 14-12.403).

La Cour de cassation vient d’appliquer cette jurisprudence au management agressif d’un salarié envers ses collègues :

Le salarié, responsable d’agence, qui a adopté à l’égard des collaboratrices placées sous son autorité un comportement lunatique, injustement menaçant, malsain et agressif ayant provoqué le départ de l’une d’elles, et un mode de management maladroit et empreint d’attitude colérique, manque à son obligation en matière de sécurité et de santé à l’égard de ses subordonnés, ce qui rend impossible la poursuite du contrat de travail.

Cass. soc., 26 févr. 2025, no 22-23.703 F-D

 

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