[Droit du travail] Avantages accordés par l'employeur à un salarié membre de sa famille

Avantages accordés par l'employeur à un salarié membre de sa famille : attention à la discrimination

 

Le cas de...

Le neveu de Madame FINANCIER recherche un job étudiant pour payer le loyer de son studio parisien tout en continuant à suivre ses cours de droit à la Sorbonne.

Madame FINANCIER est très fière de son neveu. Elle en est sûr, il deviendra un grand avocat.

Elle l’imagine déjà traiter les dossiers de sa petite boulangerie, et se réjouit des économies qu’elle réalisera avec un avocat dans la famille !

Elle décide donc de l’aider en lui proposant un poste à temps partiel au sein de sa boulangerie, qui lui permettra de jongler entre ses études et son job étudiant.

Mais son neveu lui rétorque que la rémunération que lui propose sa Tante est largement insuffisante pour payer son loyer.

Madame FINANCIER se laisse convaincre, et augmente significativement le salaire de son neveu. Il obtient une rémunération plus élevée que Monsieur FRAISIER, qui occupe le même poste avec une ancienneté significative au sein de la Boulangerie le LAMA JOYEUX.

Madame FINANCIER se dit que le retour sur investissement, une fois son neveu devenu avocat, vaut largement cette rémunération.

Mais le neveu de la Boulangère est de nature bavarde, et s’enorgueillit du montant de son salaire auprès de ses collègues.

Si bien que Monsieur FRAISIER finit par en être informé.

Ni une ni deux, il fait un scandale auprès de Madame FINANCIER. Selon lui, la situation est parfaitement injuste et intolérable !

Madame FINANCIER ne sait pas quoi faire, c’est SA boulangerie, elle a quand même le droit de verser la rémunération qu’elle veut à SON neveu.

Dans le doute, elle consulte tout de même Maître CODE DU TRAVAIL ANNOTÉ, qui lui ramène les pieds sur terre.

Non elle ne peut pas fixer la rémunération de son neveu selon des considérations subjectives, sans prise en compte de son ancienneté, de ses compétences ou encore de son expérience.

En l’occurrence, rien ne justifie objectivement que son salaire soit plus élevé que celui de Monsieur FRAISIER !

Pire encore, il lui annonce que cette différence de traitement est en réalité une discrimination fondée sur la situation de famille de Monsieur FRAISIER : c’est parce qu’il ne fait pas partie de sa famille que sa rémunération est plus faible.

Le salarié pourrait solliciter des rappels de salaire, des dommages et intérêts, et obtenir la résiliation de son contrat de travail aux torts de Madame FINANCIER. La sanction : la nullité de la rupture et minimum 6 mois de salaire à titre de dommages et intérêts !

Madame FINANCIER va devoir avoir une discussion avec son neveu…

 

Il ne faut pas confondre discrimination et différence de traitement car s’il s’agit de manquements de l’employeur, leurs régimes sont bien distincts.

La discrimination fait référence à une opération consistant à traiter de manière moins favorable un individu ou un groupe d'individus par rapport à un autre en raison d'un motif prohibé.

La discrimination est donc une différence de traitement reposant sur un motif illicite.

Contrairement à une « simple » différence de traitement, les mesures discriminatoires sont sanctionnées par la nullité et sont passibles de sanctions pénales.

En outre, le régime de la preuve est aménagé, de telle sorte que le salarié n’a pas à prouver l’existence d’une discrimination, mais uniquement à présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination. C’est à l’employeur de prouver que la mesure prise est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (C. trav., art. L. 1134-1).

L’article L. 1132-1 du code du travail liste les motifs prohibés. On y retrouve entre autres l’âge, le sexe, les mœurs, l’orientation sexuelle ou encore l’appartenance ou non à une ethnie, une nation ou une prétendue race, etc.

Un des motifs figurant parmi cette liste est la situation de famille du salarié.

Ce motif discriminatoire se réfère tant à la situation matrimoniale du salarié qu’à sa situation familiale stricto sensu : la famille par alliance et la famille par le sang.

Ainsi, le licenciement d'un salarié en raison de son lien de filiation avec un autre salarié est discriminatoire (Cass. soc., 1er juin 1999, n° 96-43.617).

Repose également sur un motif discriminatoire la modification du planning de deux salariés vivant en couple afin qu’ils ne puissent plus prendre leur repos le même jour. (Décision n° 2023-0001, 23 juin 2023). Dans ces circonstances, la résiliation judiciaire du contrat de travail du salarié concerné est justifiée (Cass. soc., 3 nov. 2011, n° 10-14.702).

Le divorce, la séparation, le veuvage, le célibat, le concubinage, le mariage, le pacs, ou encore le nombre d'enfants ou de personnes à charge du foyer relèvent également de la situation de famille du salarié.

En conséquence, l’employeur qui verse une rémunération supérieure à une salariée, parce qu’elle est son épouse, prend une mesure discriminatoire à l’égard d’une autre salariée dont la rémunération est moindre, en raison de sa non-appartenance à sa famille. Cette dernière est bien fondée à solliciter des rappels de salaire et dommages et intérêts au motif de la discrimination subie.

Cass. soc., 9 avr. 2025, n° 23-14.016 FS-B

Partager sur