[Droit du travail] Se servir des réseaux sociaux pour justifier un licenciement

 

Ce mois-ci, Maître Martin-Staudohar, spécialiste en droit du travail et formée à la règlementation des risques psycho-sociaux, détaillera la problématique :

SE SERVIR DES RESEAUX SOCIAUX POUR JUSTIFIER UN LICENCIEMENT

 

QUI DOIT PROUVER EN MATIERE DE LICENCIEMENT ?

En principe, la charge de la preuve du caractère réel et sérieux du motif n'incombe pas spécialement à l'une ou à l'autre des parties (Cass. soc., 23 mars 1977, no 75-40.291 ; Cass. soc., 11 déc. 1997, no 96-42.045).

En effet, selon l'article L. 1235-1 du Code du travail, le juge forme sa conviction « au vu des éléments fournis par les parties et au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il juge utiles ». Le texte consacre une procédure inquisitoire, qui ne dispense cependant pas les parties de fournir les éléments de preuve qu'elles jugent utiles.

L'employeur doit néanmoins se limiter à la preuve des faits articulés dans la lettre de licenciement, ou dans ses précisions ultérieures.

 

Le doute profite au salarié

En cas de faute grave, la preuve incombe à l’employeur.

LA PREUVE EN MATIERE DE LICENCIEMENT, UNE ENTRE DEUX DROITS : L’EXERCICE DU DROIT A LA PREUVE DOIT ETRE PROPORTIONNE AU BUT POURSUIVI... ET DONC NE PAS PORTER UNE ATTEINTE DISPROPORTIONNEE A LA VIE PRIVEE.

Avec l’émergence des réseaux sociaux, la question s’est posée de l’utilisation de ceux-ci dans la preuve de faits reprochés aux salariés notamment dans ce cadre du licenciement.

En cas de contestation du licenciement, tout l’enjeu pour l’employeur est de prouver que les faits sur lesquels il fonde son licenciement existent et sont une cause suffisante pour justifier le licenciement.

A charge pour le salarié de démontrer que les faits ne sont ni réels ni sérieux, ou dénués de toute gravité.

A défaut, le licenciement sera jugé comme sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation interrogée sur l’utilisation d’éléments du profil d’un réseau social y compris en profil privé a pu retenir que ceux-ci pouvaient être jugés comme recevables par le juge dès lors que ces éléments ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée au regard au but poursuivi.

Cass. soc., 30 sept.2020, no 19-12.058 PBRI.

On met en balance donc deux droits et si l’un porte une atteinte trop importante à l’autre, il l’emportera sur le second : droit à la preuve et droit au respect de la vie privée.

 

Le cas de...

Monsieur CROISSANT, heureux patron de la boulangerie « LA MICHE JOYEUSE » est accablé par sa condamnation pour non-paiement des salaires et son moral est encore au plus bas quand il apprend par Madame PARISBREST que des fêtes ont lieu tous les samedis soir à la boulangerie au milieu des denrées alimentaires sans le moindre respect des règles sanitaires et ce, photos à l’appui.

Il est stupéfait de voir ses salariés dansant sur les tables se jetant de la farine au visage, bouteilles d’alcools à la main !

Et pourtant les photos figurant sur le compte partagé MESSENGER de ses salariés sont éloquentes.

Il va donc procéder au licenciement de deux des salariés clairement identifiés. Ceux-ci vont contester le licenciement et la recevabilité des éléments provenant du compte MESSENGER.

Il sont déboutés de leur demande, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation : «  Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. »

Cass. soc., 4 oct. 2023, no 22-18.217 F-D

 

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