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[Droit du travail] L'apprenti, un salarié vulnérable

Ce mois-ci, Maître Martin-Staudohar, spécialiste en droit du travail et formée à la règlementation des risques psycho-sociaux, détaillera la problématique suivante :

L'APPRENTI, UN SALARIE VULNERABLE

 

MAIS un contrat d'apprentissage, c’est quoi ?

L'apprentissage est une forme d'éducation alternée (C. trav., art. L. 6211-2).  Les apprentis ont une formation théorique et technique qui est dispensée par le centre de formation des apprentis (CFA) et une formation pratique qui est organisée par les entreprises. A  la différence de la voie scolaire, qui est une formation initiale à temps plein, l'apprentissage est assuré dans le cadre d'une alternance entre formation théorique et technique, dispensée par les centres de formation d'apprentis (CFA), et formation pratique organisée par les entreprises.

Sa finalité est de permettre à des jeunes travailleurs ayant satisfait à l'obligation scolaire d'acquérir une formation générale, théorique et pratique, en vue de l'obtention d'une qualification professionnelle sanctionnée par un diplôme ou un titre à finalité professionnelle enregistré au répertoire national des certifications professionnelles (C. trav., art. L. 6211-1).

 

Et l’apprenti, travaille-t-il comme n’importe quel autre salarié ?

OUI ET NON… cela dépend de son âge et des tâches demandées.

L’apprenti bénéficie des mêmes conditions de travail et avantages que les autres salariés de l'entreprise.

Il a notamment droit au paiement d'heures supplémentaires si le cumul de sa durée de travail en entreprise et du temps passé en CFA excède 35 heures par semaine (Cass. soc., 11 juill. 2000, no 98-41.825). Les majorations pour heures supplémentaires sont calculées sur la base du salaire légal de l'apprenti déterminé en pourcentage du Smic (Cass. soc., 30 mars 1993, no 89-41.621).

Des dispositions spécifiques s'appliquent aux jeunes de moins de 18 ans, en matière de durée de travail de travail de nuit de travail du dimanche ou de jours fériés.

Certaines machines et appareils ne peuvent pas être utilisés par les apprentis de moins de 18 ans et certains travaux leur sont interdits (C. trav., art. D. 4153-20 à C. trav., art. D. 4153-37), sauf autorisation de l'inspection du travail donnée pour toute la durée du contrat d'apprentissage, sous réserve de l'envoi d'un avis annuel favorable du médecin du travail (C. trav., art. R. 4153-38 et s.).

Travail du dimanche : les apprentis de moins de 18 ans ne peuvent, pour leur part, travailler le dimanche que « dans les secteurs pour lesquels les caractéristiques particulières de l'activité le justifient et dont la liste est déterminée par décret » (C. trav., art. L. 3164-5).

Ces secteurs sont les suivants (C. trav., art. R. 3164-1) : l'hôtellerie ; la restauration ;les traiteurs et organisateurs de réception ; les cafés, tabacs et débits de boisson ; la boulangerie ; la pâtisserie ; la boucherie ; la charcuterie ; la fromagerie-crèmerie ; la poissonnerie ; les magasins de vente de fleurs naturelles, jardineries et graineteries ; les établissements des autres secteurs assurant à titre principal la fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ou dont l'activité exclusive est la vente de denrées alimentaires .

La loi de cohésion sociale (L. no 2005-32, 18 janv. 2005) a autorisé le travail le dimanche et des jours fériés pour les apprentis majeurs. Par là-même, elle a donc réaffirmé a contrario l'interdiction du travail des apprentis mineurs ces jours-là.

Travail de nuit : L'article L. 3163-2 du Code du travail interdit le travail de nuit pour les jeunes de moins de 18 ans. Il en va de même pour les apprentis de moins de 18 ans (C. trav., art. L. 6222-26).

Est considéré comme tel le travail effectué (C. trav., art. L. 3163-1) :

  • entre 22 heures et 6 heures du matin, pour les jeunes de plus de 16 ans et moins de 18 ans ;
  • entre 20 heures et 6 heures du matin, pour les jeunes de moins de 16 ans.

Il peut être dérogé à l'interdiction du travail de nuit des jeunes dans plusieurs hypothèses :

  • dans certains secteurs d'activité (C. trav., art. L. 3163-2 ; C. trav., art. R. 3163-1) ;
  • en cas d'extrême urgence (C. trav., art. L. 3163-3).

Les salariés de moins de 18 ans ne peuvent en principe pas travailler pendant les jours fériés légaux (C. trav., art. L. 3164-6) sauf dérogations par exemple dans les secteurs pour lesquels les caractéristiques particulières de l'activité le justifient (C. trav., art. L. 3164-8).. Ce sont quasiment les mêmes secteurs que ceux dans lesquels il est possible de faire travailler les apprentis mineurs le dimanche.

Cette dérogation est soumise à deux conditions : la conclusion d'une convention ou un accord collectif étendu, ou d'une convention ou un accord définissant les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à l'interdiction de travail des jours fériés et le bénéfice pour les jeunes concernés d'un repos hebdomadaire de deux jours ou, en cas de dérogation, de 36 heures consécutifs.

Le travail de nuit des apprentis âgés de moins de 18 ans est réalisé sous la responsabilité du maître d’apprentissage.

Le repos quotidien ne peut être inférieur à (C. trav., art. L. 3164-1) :

  • 12 heures consécutives pour les jeunes de 16 à 18 ans ;
  • 14 heures si les jeunes ont moins de 16 ans.

Les jeunes de moins de 18 ans doivent obligatoirement bénéficier d'un temps de pause d'au moins 30 minutes consécutives au-delà de toute période de travail ininterrompue de 4 heures 30 (C. trav., art. L. 3162-3).

Cela signifie, en premier lieu, que la pause doit être accordée dès l'instant où 4 heures 30 de travail ont été accomplies. cette disposition implique que les 4 heures 30 de travail n'englobent pas la pause elle-même.

Cette pause n'est pas fractionnable.

Le repos hebdomadaire : Les jeunes travailleurs de moins de 18 ans bénéficient de deux jours de repos consécutifs par semaine (C. trav., art. L. 3164-2), comprenant, sauf dérogations le dimanche.

 

ET EN CAS DE NON-RESPECT DE CES REGLES, ON RISQUE QUOI ?

Une procédure spéciale visant à protéger les apprentis peut être mise en œuvre à l'encontre de l'employeur, par l'inspection du travail chargé du contrôle de l'exécution du contrat, en cas de risques sérieux d'atteinte à leur santé ou à leur intégrité physique ou morale (C. trav., art. L. 6225-4 à L. 6225-7).

Les apprentis n'ayant pas atteint 18 ans , qui sont affectés à des travaux interdits ou réglementés, peuvent, en cas de danger grave ou imminent pour leur vie ou leur santé, faire l'objet d'une procédure de retrait immédiat déclenchée par l'inspection du travail (D. no 2019-253, 27 mars 2019, sections 1 et 2).

C’est quoi risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale ?

Les faits relevant de la procédure d'urgence sont ceux comportant des risques sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti. Il s'agit donc de situations exposant l'apprenti à un danger prévisible particulièrement grave (C. trav., art. L. 6225-4 ; Circ. DGEFP no 2002-37, 19 juill. 2002, BOT no 2002/16, 5 sept. 2002), tels que :

  • des violences physiques ou morales, présentant un caractère de gravité, commises à l'encontre de l'apprenti : il s'agit à titre d'exemples de brutalités, sévices physiques, insultes, humiliations, harcèlement moral, harcèlement sexuel... ;
  • une mise en danger de la santé et de l'intégrité physique de l'apprenti : elle peut se produire à l'occasion notamment de l'utilisation par l'apprenti de substances ou de préparations dangereuses, de la conduite de machines dangereuses, de l'absence de protections individuelles ou collectives, de défaut de conformité des installations de l'entreprise, d'infractions graves à la législation sur la durée du travail ou le travail de nuit.

La procédure d'urgence est enclenchée lorsqu'il existe des risques sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, quel que soit l'auteur des actes à l'origine du danger :

  • l'employeur ou le maître d'apprentissage ;
  • les autres salariés de l'entreprise, notamment dans le cas de violences physiques ou morales ;
  • les personnes extérieures à l'entreprise mais en contact avec le jeune, notamment dans le cas de harcèlement sexuel (personnes proches de l'employeur, employeur ou salariés d'une autre entreprise, etc.).

L'employeur est en effet responsable des conditions dans lesquelles se déroule le contrat d'apprentissage. L'objectif est de soustraire sans délai l'apprenti d'une situation qui peut se révéler dangereuse, sans attendre l'établissement du degré de responsabilité de l'employeur.

Interviennent dans le cadre de la procédure d'urgence :

  • l'inspecteur du travail, ou le fonctionnaire de contrôle assimilé, constate les faits entraînant des risques sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti et propose la suspension du contrat d'apprentissage ;
  • le Dreets ou le chef de service assimilé, prend la décision de suspendre ou non le contrat d'apprentissage, se prononce sur la reprise de l'exécution du contrat et sur la possibilité pour l'entreprise de continuer à recruter des apprentis ou des jeunes sous contrat d'insertion en alternance.
  1. Enquête contradictoire ;
  2. En cas de risque sérieux d'atteinte à la santé ou à l'intégrité physique ou morale de l'apprenti, l'agent de contrôle de l'inspection du travail ou le fonctionnaire de contrôle assimilé propose au Dreets la suspension du contrat d'apprentissage ( trav., art. L. 6225-4 ; C. trav., art. R. 6226-9).
  3. Décision de suspension du contrat d'apprentissage : Le Dreets se prononce sans délai et dès la fin de l'enquête contradictoire, lorsqu'une telle enquête a eu lieu, sur la suspension du contrat d'apprentissage au vu du rapport élaboré par l'agent de contrôle ( trav., art. R. 6225-9).
  4. Décision d'autorisation ou non de reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage —La décision de refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage entraîne de plein droit la rupture du contrat d'apprentissage à compter de sa notification aux parties ( trav., art. L. 6225-5 à L. 6225-7).

La décision de refus d'autoriser la reprise de l'exécution du contrat d'apprentissage peut s'accompagner éventuellement de l'interdiction, pour l'employeur concerné, de recruter de nouveaux apprentis mais aussi tout jeune sous contrat d'insertion en alternance. Cette interdiction de recrutement doit être prononcée pour une durée limitée.

Quelles conséquences ?

Durant la période de suspension du contrat d'apprentissage, l'employeur doit continuer à verser la rémunération de l'apprenti jusqu'à ce que le Dreets se prononce sur la reprise ou non de l'exécution du contrat. Le maintien de la rémunération est donc de droit sans que l'intéressé ait à démontrer que l'employeur a commis une quelconque faute ou négligence.

Lorsque l'autorisation de la reprise de l'exécution du contrat est refusée, l'apprenti a droit à une somme égale au montant des salaires qu'il aurait perçus si le contrat était arrivé à son terme : cette somme ne constitue pas un salaire mais présente un caractère indemnitaire.

La rupture du contrat d'apprentissage ne fait pas obstacle à la saisine du conseil des prud'hommes par l'apprenti en vue d'obtenir la réparation du préjudice subi.

 

 

Le cas de...

Madame FINANCIER s’est remise de ses mésaventures suite à la soirée de Noël et est particulièrement rassurée par la mise en place de son règlement intérieur.

Cependant, la hausse de l’électricité de 18 % annoncée par le gouvernement est pour elle catastrophique. La boulangerie LA MICHE JOYEUSE nécessite une forte consommation d’électricité. Elle décide alors d’embaucher plusieurs apprentis. Elle est ravie de son idée : la rémunération est peu élevée surtout pour les travailleurs de moins de 18 ans.

Elle décide de les faire venir travailler tous les dimanches et jours fériés et de les faire commencer tôt à 4h30, cela lui coûtera moins cher que payer des non-apprentis.

Elle embauche donc deux apprentis de 16 ans qui travaillent sous le tutorat du chef pâtissier qui a décidé de ne plus fabriquer de babas au rhum depuis la soirée alcoolisée de Noël, ce dont les clients se plaignent d‘ailleurs !

Les deux apprenties, mesdemoiselles YUZU et MYRTILLE travaillent 3 jours par semaine à la boulangerie : samedi, dimanche et lundi. Cependant, celles-ci se plaignent rapidement du fait qu’elles doivent systématiquement travailler de nuit et donc marcher de nuit dans les rues désertes de la ville.

En plus, régulièrement, le chef pâtissier n’est pas présent arrivant à 7 heures du matin.

Elles se plaignent à Madame FINANCIER qui leur répond que c’est le travail qui veut ça et qu’elles doivent s’y faire. Face à cette situation les jeunes filles saisissent l’inspection du travail et une enquête a lieu qui leur donne raison : elles ne peuvent pas travailler de nuit à leur âge. Ni rester seules au laboratoire afin de préparer les pains et gâteaux de la journée ! De même, elles doivent avoir deux jours de repos consécutifs incluant le dimanche.

Madame FINANCIER est abasourdie et, de peur de voir les contrats d’apprentissage rompus avec versement de tous les salaires jusqu’à la fin de la durée prévue, change immédiatement les plannings et respecte à la lettre les règles relatives aux apprentis mineurs.

 

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