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[Droit du travail] Un employeur peut-il embaucher un salarié en situation irrégulière ?

Photo de Kadir Avşar

 

Ce mois-ci, Maître Martin-Staudohar, spécialiste en droit du travail et formée à la règlementation des risques psycho-sociaux, détaillera la problématique suivante :

 

UNE PROCÉDURE EXCEPTIONNELLE DE RÉGULARISATION DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE DANS LES MÉTIERS EN TENSION

 

 

Un employeur peut-il embaucher un salarié en situation irrégulière ?

Non. L’employeur a, au contraire, l’obligation de contrôler préalablement l'autorisation de travail des ressortissants tiers.

Il lui incombe de vérifier auprès des autorités administratives territorialement compétentes la validité du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si ce dernier est inscrit sur la liste des demandeurs d'emplois tenue par France Travail (ex Pôle emploi) (C. trav., art. L. 5221-8).

Cette vérification doit être effectuée au moment de l'embauche (Cass. soc., 15 juill. 1998, n° 96-40.631).

L'employeur adresse au préfet du département du lieu d'embauche une lettre, datée, signée et recommandée avec AR ou un courrier électronique, comportant une copie du document produit par l'étranger, et ce, au moins deux jours ouvrables avant la date d'effet de l'embauche.

Le préfet notifie sa réponse à l'employeur dans un délai de deux jours ouvrables à compter de la réception de la demande.  À défaut de réponse, l'obligation de l'employeur est réputée accomplie (C. trav., art. R. 5221-41 ; C. trav., art. R. 5221-42).

Il est interdit, sous peine de poursuites pénales, de commencer l'exécution du contrat de travail avant d'avoir l'autorisation de travail.

En outre, un employeur peut licencier un salarié qui ne présente pas son titre de séjour renouvelé ou qui n'apporte pas la preuve qu'il a accompli les démarches nécessaires au renouvellement de son titre de séjour (Cass. soc., 17 nov. 2021, n° 20-11.911).

En revanche, cette situation n'est pas constitutive d'une faute (Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 21-12.125).

 

Quelles sanctions encourent l’employeur qui embauche un salarié en situation irrégulière ?

L'employeur est en infraction lorsqu'il emploie un étranger non autorisé à travailler. L'étranger n'encourt pas de sanction pénale pour ce fait.

Peu importe la durée de l'emploi, l'infraction est constituée dès lors que les organismes de contrôle constatent la présence sur les lieux de travail d'un salarié étranger occupé sans autorisation de travail.

La régularisation ultérieure d'une situation irrégulière ne saurait avoir pour effet de faire disparaître l'infraction (Cass. crim., 19 nov. 2002, n° 02-81.750).

Ce délit est puni d'une peine d'emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 30 000 € (C. trav., art. L. 8256-2). L'amende est prononcée autant de fois que d'étrangers employés irrégulièrement (Cass. crim., 20 mars 2007, n° 06-82.353).

L'amende encourue par les personnes morales est fixée à 150 000 € (C. trav., art. L. 8256-7 ; C. pén., art. 131-38).

 

Mais comment faire lorsque mon processus de recrutement me conduit à envisager l’embauche d’une personne sans papier ?

Une seule solution : informer et accompagner le salarié dans ses démarches pour obtenir un titre de séjour.

Il s’agit notamment pour l’employeur de demander une autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger résidant en France.

L'autorisation de travail demandée par l'employeur constitue une des pièces justificatives à fournir par l'étranger, à l'appui de sa demande de titre de séjour.

Afin de prendre en compte les difficultés de recrutement dans certains métiers et zones géographiques, un titre de séjour « métiers en tension » a été créée.

Il s’agit d’une nouvelle procédure d’admission exceptionnelle au séjour par le travail. Elle permet aux préfets, jusqu’au 31 décembre 2026, de régulariser au cas par cas des étrangers en situation irrégulière.

L’étranger en situation irrégulière doit notamment justifier de l’exercice d’une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement durant au moins 12 mois, consécutifs ou non, sur les 24 derniers mois (CESEDA, art. L. 435-4, al. 1er, nouveau).

La carte de séjour « métiers en tension » relève de la seule initiative du travailleur étranger en situation irrégulière. Les demandes doivent être présentées individuellement à l’autorité administrative.

 

Quels sont les métiers en tension ?

La liste des métiers dits en tension est déterminée par l’arrêté du 1er avril 2021 relatif à la délivrance, sans opposition de la situation de l'emploi, des autorisations de travail aux étrangers non ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat qui appartient à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et par l’arrêté du 1er mars 2024 modifiant l’arrêté précité.

Ils sont consultables en suivant les liens ci-dessous :

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043317444

https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049224208

LE CAS DE...

Madame FINANCIER recrute, elle recherche un(e) remplaçant(e) à Monsieur TARTELETTE.

Néanmoins, le métier de boulanger, et ses contraintes, n’attirent pas de nombreux candidats.

Finalement, seule Madame CROISSANT postule, et son profil correspond parfaitement à celui recherché par Madame FINANCIER.

Toutefois, lorsque Madame FINANCIER débute les démarches administratives pour l’embauche de Madame CROISSANT, elle s’aperçoit qu’elle est en situation irrégulière sur le territoire français.

En effet, Madame CROISSANT est de nationalité Albanaise, et ne possède pas de titre de séjour.

Elle explique sa situation à Madame FINANCIER, et tente de la convaincre de l’embaucher tout de même.

Mais Madame FINANCIER connaît les sanctions liées à l’embauche d’un salarié en situation irrégulière. Après toutes les mésaventures rencontrées, elle préfère jouer la sécurité. Aussi, elle décide d’accompagner Madame CROISSANT dans ses démarches.

Pour se faire, Madame FINANCIER a la brillante idée de conclure avec elle un contrat à durée déterminée dans l'attente la régularisation de sa situation et de finaliser ensuite un contrat à durée indéterminée.

Madame FINANCIER se dit que cette situation sera de courte durée. Madame CROISSANT devrait obtenir la régularisation rapidement grâce à la nouvelle procédure d'admission exceptionnelle au séjour pour les étrangers travaillant dans les métiers en tension.

Eu égard aux difficultés de recrutement qu’elle rencontre, elle en est sûre, la boulangerie fait partie des métiers en tension.

Quelle ne fut pas sa déception, en prenant connaissance de la liste dressée par les arrêtés, de ne pas trouver le métier de boulanger dans la liste afférente à la région Ile de France.

Eu égard aux lourdeurs administratives, Madame FINANCIER est contrainte de renouveler le CDD de Madame CROISSANT.

Le CDD arrive à son terme et Madame FINANCIER annonce à Madame CROISSANT qu’elle ne peut plus le renouveler. Elle ne peut pas non plus l’embaucher en CDI eu égard à sa situation irrégulière.

Ce contexte crée des tensions, et Madame CROISSANT menace de saisir le Conseil de prud’hommes en requalification des CDD en CDI. Madame FINANCIER, qui croyait pourtant avoir pensé à tout cette fois-ci, tombe des nues.

Et pourtant Madame CROISSANT a raison, l'attente de l'obtention d'un titre de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle n'est pas un motif légal de recours au CDD. Sans compter qu’à défaut d’autorisation de travail, il s’agit d’un délit pénal au même titre qu’une embauche en CDI.

Madame CROISSANT pourrait donc obtenir la requalification de ses contrats en CDI, des indemnités de requalification du contrat, compensatrices de préavis et de congés payés et une indemnité de licenciement (Cass. soc., 22 nov. 2017, n° 16-23.788).

Finalement, afin d’éviter un énième litige, Madame FINANCIER propose la conclusion d’un contrat de travail à durée indéterminée avec condition suspensive.

Il est donc stipulé que le contrat ne prendra effet que sous réserve de la réalisation de la condition suspensive suivante : l’obtention d’un titre de séjour et/ou autorisation de travail requis par la législation Française dans un délai de 2 mois à compter de la conclusion du présent contrat.

 

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