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[Droit du travail] Licenciement d’un salarié pour envoi de courriels racistes

Photo de Mikhail Nilov

 

 

Ce mois-ci, Maître Martin-Staudohar, spécialiste en droit du travail et formée à la règlementation des risques psycho-sociaux, détaillera la problématique suivante :

 

LICENCIEMENT D'UN SALARIÉ POUR ENVOI DE COURRIELS À CONNOTATION RACISTE

 

 

LICENCIER UN SALARIÉ QUI ENVOIE DES COURRIELS À CONNOTATION RACISTE DE SA BOÎTE DE MESSAGERIE PROFESSIONNELLE, C’EST POSSIBLE ? 

Non … mais a certaines conditions… 

Mais c’est quoi les règles en matière de communication électronique au sein d’une entreprise ? 

Il faut rappeler le principe fondamental de protection des droits des personnes et des libertés individuelles. 

L'article L. 1121-1 du Code du travail est ainsi libellé : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché. » 

Et l’une des règles à laquelle il ne peut être portée atteinte est celle du secret des correspondances. 

La Cour européenne des droits de l'Homme affirme pour sa part que les communications sur le lieu de travail relèvent de la vie privée et du secret des correspondances de l'article 8 de la Convention EDH (CEDH, 5 sept. 2017, no 61496/08). 

L’atteinte au secret des correspondances est un délit prévu et réprimé à l'article 226-15 du Code pénal 

La Cour de Cassation rappelle : « L'employeur ne peut, sans violation du secret des correspondances, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, et ceci même au cas où l'employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l'ordinateur. » 

Cass. soc., 2 oct. 2001, no 99-42.942 ; Cass. soc., 12 oct. 2004, no 02-40.392) 

Mais cela veut dire que le salarié peut utiliser comme il l’entend la boite mail de l’entreprise et que l’employeur ne peut rien dire ? 

NON pas tout à fait … 

Le salarié peut utiliser son ordinateur professionnel à des fins personnelles : il peut envoyer et recevoir des courriels privés en passant par la messagerie électronique de l'entreprise. C’est un droit MAIS à condition que cet usage soit raisonnable afin de ne pas porter atteinte au bon fonctionnement de l’entreprise. 

Cette utilisation peut quand même être encadrée par l’employeur mais, celui-ci doit veiller à respecter le secret des correspondances. 

Comment ?  en mettant en place une charte informatique par exemple qui peut prévoir les limites à ne pas dépasser : par exemple tant de temps par jour, pas de téléchargement de vidéos ou en le prévoyant dans le règlement intérieur. 

Et si le salarié ne le respecte pas, il peut alors être sanctionné comme l’a rappelé la Cour de Cassation (Cass. soc., 22 oct. 2008, no 07-42.654 ; Cass. soc., 15 déc. 2010, no 09-42.691). 

D’accord, mais c’est quoi un message personnel ? 

Les fichiers créés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à disposition par l'employeur sont présumés professionnels.  

Il en est de même des dossiers et tout autre support informatique.  

L'employeur peut alors en prendre connaissance et y avoir accès en dehors de la présence du salarié, sauf s'ils les a identifiés comme étant « personnels » (Cass. soc., 18 oct. 2006, no 04-48.025 ; Cass. soc., 16 mai 2013, no 12-11.866). il pourra utiliser le contenu ainsi recueilli à l'encontre du salarié pour apporter la preuve des manquements reprochés. 

Ainsi, l'employeur peut prendre connaissance des emails adressés par le salarié à l'aide de l'outil informatique mis à disposition par l'employeur pour les besoins de son travail et provenant de la messagerie électronique professionnelle, et ce d'autant plus s'ils ont été adressés, avec l'accord du salarié automatiquement à son assistante (Cass. soc., 9 sept. 2020, no 18-20.489) 

Cependant, la Cour de cassation estime que ce n'est pas parce qu'un message émane de la messagerie personnelle du salarié qu'il doit forcément être qualifié de personnel (Cass. soc., 19 juin 2013, no 12-12.138). 

il faut regarder le contenu du message : s’il est en rapport avec l’activité professionnelle, il n’a pas de caractère privé. 

Exemple du mail adressé par un salarié à sa compagne, dont l'employeur avait eu connaissance par le biais d'une copie involontaire faite à un autre salarié de l'entreprise : dans son message, le salarié insultait son employeur et annonçait son absence non autorisée, alors qu'il venait de faire l'objet d'une mise à pied disciplinaire pour des absences injustifiées. La Cour de cassation a considéré que ce courriel était en rapport avec l'activité professionnelle de l'intéressé et ne revêtait pas un caractère privé (Cass. soc., 11 févr. 2011, no 09-72.313). 

LE SALARIE peut alors écrire n’importe quoi dès lors que cela est à caractère privé et sans lien avec l’activité professionnelle ? 

Non pas tout à fait… 

Le salarié doit faire une utilisation licite de la messagerie. La liberté d'expression a des limites, qui s'imposent à l'intérieur et à l'extérieur de l'entreprise. 

Des propos injurieux, ou diffamatoires, racistes ou antisémites sont prohibés et leurs auteurs s'exposent à des sanctions civiles et pénales. Par ailleurs, l'employeur peut être tenu pour responsable d'une utilisation illicite ou fautive de la messagerie par un salarié de l'entreprise.  

La Cour de cassation a eu l'occasion de se prononcer sur la faute commise par un salarié ayant envoyé un courrier antisémite à une personne extérieure à l'entreprise. Elle a retenu que le fait pour un salarié d'utiliser la messagerie électronique de l'entreprise pour émettre, dans des conditions permettant d'identifier l'employeur, un message électronique contenant des propos antisémites, est nécessairement constitutif d'une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise (Cass. soc., 2 juin 2004, no 03-45.269). 

Dans ce cas, on va mettre en balance deux droits : la protection des intérêts de l’entreprise et le droit au respect des correspondances. ICI, les juges se sont placés sur le plan de la protection des intérêts de l'entreprise dont la messagerie qui a servi à commettre le délit pouvait être identifiée et par suite l'employeur lui-même, lequel aurait pu voir sa responsabilité engagée. Dès lors, ces faits étaient nécessairement constitutifs d'une faute grave. 

Cependant, cela est différent si le public auquel s’adresse le message est restreint et échangés via une messagerie personnelle. 

L ’employeur ne peut, pour procéder au licenciement, se fonder sur le contenu de messages échangés via la messagerie professionnelle, relevant de la vie personnelle du salarié. Tel est le cas de messages s’inscrivant dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes, qui n’avaient pas vocation à devenir publics et n’avaient été connus par l’employeur que suite à une erreur d’envoi de l’un des destinataires. 

Cass. soc., 6 mars 2024, no 22-11.016 FS-B 

ET les messages par messagerie instantanée ? 

Selon la Cour européenne des droits de l'Homme, une messagerie instantanée sur Internet est, selon elle, une forme de communication faisant partie de l'exercice d'une vie privée sociale et la notion de correspondance s'applique à l'envoi et à la réception de messages, même depuis l'ordinateur de l'employeur (CEDH, 5 sept. 2017, no 61496/08). 

Et les messages échangés sur une messagerie extérieure ? 

Ainsi, quand une salariée a installé une messagerie MSN Messenger sur son ordinateur professionnel, l'employeur ne peut ni consulter les messages, ni s'en prévaloir devant les tribunaux, quand bien même l'intéressée, secrétaire, aurait profité de sa position pour diffuser à d'autres salariés des fiches de paye et des soldes de tout compte (Cass. soc., 23 oct. 2019, no 17-28.448).

LE CAS DE...

Madame FINANCIER se gratte un peu depuis son bain dans la seine, mais elle est ravie car elle a rencontré des joueurs de flute de paon qui accompagnent la délégation du Pérou présente aux JO et grâce à eux , elle est quand même un peu en voyage. Cependant, depuis qu’elle les fréquente elle n’arrête pas d’éternuer car ils sont venus avec des pulls en poils de lama. 

Alors que la journée s’annonçait sous les meilleurs hospices, Madame FINANCIER trouve dans sa boite mail un courriel de Madame RAISIN adressé à ses collègues de la boulangerie LA MICHE JOYEUSE. Madame FINANCIER tombe des nues : ce message contient des commentaires et liens vers des sites à caractère raciste. 

Elle convoque immédiatement Madame RAISIN à un entretien préalable à un licenciement et la licencie pour faute grave. Madame RAISIN saisit le Conseil de Prud’hommes indiquant que ce message était estampillé personnel et confidentiel et qu’il est arrivé par erreur dans la boite mail de Madame FINANCIER et adressé qu’a deux de ses collègues. 

Malheureusement compte tenu de ces éléments et du fait que le message était adressé à un public restreint (deux collègues), le licenciement est jugé comme dépourvu de faute grave et Madame FINANCIER est condamnée. 

 

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