[Droit du travail] Le contrôle des arrêts de travail par l’employeur

Photo de Pavel Danilyuk

 

Ce mois-ci, Maître Martin-Staudohar, spécialiste en droit du travail et formée à la règlementation des risques psycho-sociaux, détaillera la problématique suivante :

LE CAS DE...

La Boulangerie « AU LAMA JOYEUX » est en pleine effervescence ! Le pâtissier d’un grand palace parisien est venu pour créer la buche de Noël qui doit être une ode aux lamas gambadant dans la foret péruvienne.

Ce qui va nécessiter des heures supplémentaires au laboratoire car il faut faire les moules en chocolats pour les lamas.

Mais voilà une hécatombe d’arrêts de travail. Madame FINANCIER n’y croit pas. Non seulement, il n’y a pas assez de salariés pour travailleur sur « l’ode ô lama » mais en plus, elle est obligée de verser un complément de salaire. elle voit rouge.

Elle mandate des médecins pour aller contrôler tous les salariés en arrêts. Malheureusement ou heureusement (cela dépend de quel point de vue on se place) les arrêts sont tous validés du fait d’une épidémie de gastro-entérite.

Quels sont les droits et les obligations des employeurs et des salariés lors du contrôle des arrêts de travail ?

C’est quoi et ça concerne qui ?

Les salariés en arrêt de travail pour maladie bénéficient, sous certaines conditions, d’indemnités journalières de sécurité sociale et d’un complément de salaire versé par l’employeur leur assurant tout ou partie de leur rémunération perçue antérieurement.

En contrepartie de ce maintien de salaire, ils peuvent faire l’objet d’une contre-visite médicale de contrôle à l’initiative de l’employeur qui est défini par un décret du 5 juillet 2024.

Pour permettre l’organisation d’une contre-visite, le salarié bénéficiant d’un arrêt de travail délivré par un médecin est tenu de communiquer à son employeur, dès le début de cet arrêt de travail (C. trav., art. R. 1226-10) :

- son lieu de repos, s’il est différent de son domicile. Il devra aussi l’informer en cas de changement du lieu de repos ;

- les horaires auxquels la contre-visite peut s’effectuer, si le salarié s’est vu prescrire un arrêt de travail portant la mention « sortie libre ».

La contre-visite s’effectue, au choix du médecin (C. trav., art. R. 1226-11, al. 2 à 4) :

- soit au domicile du salarié, ou au lieu de repos communiqué par ce dernier (v. ci-avant) ;

- soit au cabinet du médecin, sur convocation par tout moyen lui conférant date certaine (lettre recommandée avec accusé de réception, par exemple). Cependant, si le salarié est dans l’impossibilité de se déplacer, notamment en raison de son état de santé, il doit en informer le médecin en précisant les raisons de cet empêchement.

L’employeur a le droit de communiquer à un médecin l’adresse personnelle du salarié dans le seul but de faire procéder à la contre-visite médicale, sans que cela ne constitue une atteinte à l’intimité de sa vie privée (Cass. soc., 2 juin 1981, nº 80-10.935).

Si le salarié a communiqué une nouvelle adresse à son employeur peu de temps avant son arrêt de travail, il ne peut lui être reproché son absence à son ancien domicile lors de la contre-visite médicale (Cass. soc., 2 févr. 1993, nº 89-45.650).

À l’inverse, est fautif le salarié qui s’était abstenu d’informer son employeur qu’il avait été autorisé par son médecin traitant à se rendre à la montagne pour y passer sa convalescence. N’ayant pas permis à son employeur de faire procéder à un contrôle de son état de santé, il a été considéré comme ayant refusé la contre-visite et comme ne pouvant pas prétendre au versement par l’employeur des indemnités complémentaires (Cass. soc., 10 mai 2001, nº 98-45.851).

QUAND ?

L’employeur peut demander à un médecin de réaliser une contre-visite à tout moment au cours de l’arrêt de travail, y compris donc dès son commencement (C. trav. art. R. 1226-11, al. 2).

Aucune information préalable !

De plus, dans le cas d’une contre-visite au domicile ou au lieu de repos communiqué par le salarié, ni le médecin (C. trav., art. R. 1226-11, al. 3),ni l’employeur(Cass. soc., 4 déc. 1986, nº 85-43.357 ; Cass. soc., 16 mars 2016, nº 14-16.588 ) n’ont à informer le salarié de la contre-visite au préalable.

Aucun délai de prévenance ne trouve donc à s’appliquer. La contre-visite doit avoir lieu durant les horaires de présence obligatoire du salarié à son domicile, et non durant les heures de sortie autorisées.

le salarié doit rester présent à son domicile de 9 h 00 à 11 h 00 et de 14 h 00 à 16 h 00, sauf en cas de soins ou d’examens médicaux.

Et en cas de sorties libres ? (CSS, art. R. 323-11-1).

Dans ce cas, la contre-visite doit avoir lieu durant les horaires que le salarié est tenu de communiquer à son employeur dès le début de son arrêt de travail

QUI PROCEDE À LA VISITE ?

La contre-visite est effectuée par un médecin mandaté par l’employeur (C. trav., art. R. 1226-11, al. 1er). Ce dernier est libre de choisir ce médecin (Cass. soc., 20 oct. 2015, nº 13-26.889).

Le médecin doit justifier du mandat dont il est investi par l’employeur lorsqu’il se présente au domicile du salarié pour effectuer la contre-visite. À défaut, le refus du salarié de se soumettre à cette contre-visite n’est pas fautif (Cass. soc., 14 mars 1995, nº 91-44.131).

Le salarié ne peut pas s’opposer à la contre-visite.

S’il refuse de recevoir le médecin-contrôleur sans aucune justification, il perd alors le droit aux indemnités complémentaires versées par l’entreprise (Cass. Soc., 2 juill. 1980, nº 79-40.263).

ET À L’ISSUE ?

Une fois la contre-visite réalisée, le médecin informe l’employeur du caractère justifié ou injustifié de l’arrêt de travail ou de l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié, tenant notamment à son refus de se présenter à la convocation ou à son absence lors de la visite à domicile (C. trav., art. R. 1226-12, al. 1er).

Si l’arrêt de travail est injustifié ou en cas d’impossibilité de procéder à l’examen du salarié, le médecin mandaté transmet également son rapport à la CPAM dans les 48 heures.

L’employeur doit transmettre sans délai au salarié l’information qu’il a reçue du médecin contrôleur quant au caractère justifié ou non de l’arrêt de travail ou à l’impossibilité de procéder au contrôle pour un motif imputable au salarié (C. trav., art. R. 1226-12, al. 2).

QUE PEUT DÉCIDER LE MEDECIN MANDATÉ ?

- L’ARRÊT DE TRAVAIL EST VALIDÉ PAR LE MÉDECIN MANDATÉ

Le médecin mandaté par l’employeur peut décider que l’arrêt de travail et sa durée prescrite sont médicalement justifiés. Dans ce cas, aucune difficulté : l’indemnisation complémentaire du salarié par l’employeur continue à être versée.

-L’ARRÊT EST VALIDÉ MAIS PAS SA DURÉE

Dans ce cas, l’employeur peut suspendre le versement des indemnités complémentaires à compter de la date de reprise fixée par le médecin mandaté.

-LE SALARIÉ EST APTE OU LA VISITE N’A PAS PU ÊTRE FAITE

Sanction : Cessation du versement des indemnités complémentaires par l’employeur

Si le médecin mandaté par l’employeur conclut à l’aptitude du salarié, et donc à l’absence de justification de l’arrêt de travail du salarié, l’employeur peut cesser de verser les indemnités complémentaires. pour la période postérieure à la contre-visite et non pour la période antérieure (Cass. soc., 15 oct. 1987, nº 85-40.555).

Il en va de même si le médecin mandaté par l’employeur n’a pas pu procéder au contrôle du fait de l’absence du salarié de son domicile ou de son refus de se soumettre à la contre-visite (Cass. soc., 2 juill. 1980, nº 79-40.263).

Le refus du salarié ou l’absence de son domicile en dehors des heures de sorties autorisées ne constituent pas un manquement du salarié aux obligations résultant de son contrat de travail et ne peuvent donc pas justifier un licenciement (Cass. soc., 27 juin 2000, nº 98-40.952) ou une quelconque autre sanction de l’employeur.

L’absence du salarié de son domicile en dehors des heures de sortie autorisées est justifiée en cas de soins ou d’examens médicaux (CSS, art. R. 323-11-1).

Ainsi, si le salarié produit un certificat médical établissant qu’au moment de la contre-visite, il se trouvait en consultation chez son médecin traitant, il ne peut pas, dans ce cas, être considéré comme ayant refusé la contre-visite médicale. Le versement des indemnités complémentaires ne peut donc pas être suspendu (Cass. soc., 5 déc. 1990, nº 87-41.375).

EFFETS SUR LES INDEMNITÉS JOURNALIÈRES VERSÉES PAR LA SÉCURITE SOCIALE

Le médecin mandaté par l’employeur doit transmettre son rapport au médecin-conseil de la CPAM s’il conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail, ou s’il s’est trouvé dans l’impossibilité de procéder à l’examen du patient (CSS, art. L. 315-1, II).

Ce rapport doit être transmis au plus tard dans les 48 heures qui suivent le déroulement de la visite pour permettre au service du contrôle médical d’exercer son contrôle.

Il précise si le médecin diligenté par l’employeur a ou non procédé à un examen médical du salarié concerné.

1.Absence de justification de l’arrêt, selon le médecin mandaté

Dans ce cas, le service du contrôle médical dispose d’une alternative :

– confirmer l’avis du médecin mandaté par l’employeur et demander à la CPAM de suspendre le versement des indemnités journalières (IJ), sans qu’il soit besoin d’un contrôle supplémentaire ;

– diligenter un nouvel examen de la situation du salarié. Ce nouvel examen est de droit si le rapport du médecin mandaté par l’employeur a fait état de l’impossibilité de procéder à l’examen du salarié.

Si, au vu du rapport établi par le médecin mandaté par l’employeur, le service du contrôle médical demande à la caisse de suspendre le versement des IJ, il doit en informer le salarié.

Celui-ci dispose alors d’un délai de dix jours francs à compter de la notification de la décision de suspension des IJ pour demander à sa CPAM de saisir le service du contrôle médical dont il relève pour un nouvel examen de sa situation (CSS, art. D. 315-4).

Le médecin-conseil dispose, pour sa part, de quatre jours francs à compter de la réception de la saisine pour se prononcer sur cette demande, convoquer et examiner le salarié.

Si, après examen du salarié, le médecin-conseil conclut à la non-justification de l’arrêt de travail, il l’en informe directement (CSS, art. L. 315-2, III).

.2. Impossibilité pour le médecin mandaté de procéder au contrôle

Si le médecin mandaté par l’employeur n’a pas pu procéder à l’examen du salarié, il en informe dans les 48 heures le service du contrôle médical.

Le service du contrôle médical de la caisse doit alors procéder à l’examen du salarié (CSS, art. L. 315-1, II).

ET QUEL RECOURS POUR LE SALARIÉ ?

Le salarié peut contester les conclusions du médecin mandaté par l’employeur pour effectuer la contre-visite médicale. Pour ce faire, il doit solliciter une expertise médicale devant le juge. Le conseil de prud’hommes peut être alors saisi selon la procédure d’urgence (référé).

Les conclusions de l’expertise médicale rendues par le médecin-expert nommé par le juge prévalent sur l’avis du médecin mandaté par l’employeur (Cass. soc., 28 févr. 1996, nº 92-42.021) et s’imposent donc à ce dernier. Ainsi si le médecin-expert conclut à la justification de l’arrêt de travail, l’employeur doit reprendre le versement des indemnités complémentaires et procéder au rappel des indemnités non versées suite aux conclusions du médecin mandaté.

ET SI L’ARRÊT EST PROLONGÉ APRES LE CONTRÔLE ?

Lorsque l’arrêt de travail d’un salarié est prolongé après une contre-visite médicale, l’employeur doit reprendre le versement des indemnités complémentaires s’il avait été suspendu suite à la contre-visite.

L’employeur ne pourra cesser ce versement que s’il demande à nouveau une contre-visite et qu’à cette occasion le médecin mandaté conclut à l’absence de justification de l’arrêt de travail.

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